La vie secrète des forêts tropicales

La vie secrète des forêts tropicales

Qu’est-ce qu’évoquent les deux mots « forêt tropicale » ? Pour la plupart d’entre nous, un milieu pas vraiment accueillant… Des images provenant d’Indiana Jones, du Livre de la jungle, de Tarzan, se mêlent pour former un monde mystérieux, chaud et humide, une végétation inextricable peuplée de tigres, de serpents, d’araignées énormes, de temples oubliés couverts de lianes et de racines de « banians étrangleurs », bref un monde où le danger (et les moustiques) semble omniprésent. La réalité est pourtant tout autre! D’ailleurs, il est plus approprié de parler non pas de LA forêt tropicale, mais DES forêts tropicales tant elles sont plurielles et diversifiées.

Elles peuvent s’étendre le long d’océans, comme la Mata Atlantica du Brésil, ou au contraire se développer au plus profond des continents, voir au sommet de hauts plateaux, elles peuvent recouvrir de grandes plaines inondées ou grimper sur les flancs de montagnes et devenir des forêts tropicales d’altitude, elles peuvent être humides, sèches, « à mousse ». Une forêt aux multiples visages ! Nous vous en proposons ici quatre portraits, dont les uniques points communs sont l’incroyable pulsation de la nature qu’on y ressent et la magie qui s’en dégage. Augustin a couru ses forêts et vous les raconte.

La forêt Guyanaise, un morceau d’Amazonie au bord de l’Atlantique

La Guyane fait partie de l’immensité Amazonienne qui s’étend sur une grande partie de l’Amérique du Sud. On s’y réveille au cri des singes hurleurs, et on s’y endort sur celui des crapauds taureaux et des grenouilles arboricoles. Vue d’en haut, la forêt guyanaise ressemble à la surface d’un brocoli, succession infinie de petites buttes couvertes de verdure, ponctuée de tâches roses ou jaunes qui indiquent les arbres en fleur, et parfois percée de grands pitons granitiques (comme le « Pain de Sucre » de Rio de Janeiro), les Inselbergs. C’est le royaume d’animaux mythiques, jaguar, anaconda, mais c’est surtout l’une des zones les plus riches en biodiversité du globe. Chaque arbre est un univers de lianes, de plantes épiphytes(1), qui abrite toute une population animale aussi riche que méconnue.

La forêt de moyenne altitude du Pérou

Faisons un pas (de géant) vers l’océan Pacifique, voilà les premiers ressauts de la Cordillère des Andes, qui s’élèvent à environ 1500 mètres d’altitude. La forêt tropicale change, l’air devient plus frais, la hauteur des arbres diminue et de grandes fougères arborescentes jaillissent du sous-bois telles des fontaines figées. De grands pans rocheux affleurent, bariolés et marbrés comme des pâtisseries. On y trouve un oiseau célèbre et magnifique (le mâle est orange vif), le coq de roche des Andes(2). Cette forêt laisse par endroit place à des petites plantations agroforestières de café, une plante qui aime la fraicheur des hauteurs.

La forêt à mousse de Nouvelle Calédonie

Traversons le Pacifique, nous voilà sur l’île de Nouvelle-Calédonie, proche de l’Australie. Un « caillou » dont les roches extrêmement particulières témoignent d’une histoire géologique mouvementée. La végétation y est unique, ayant mis des centaines de milliers d’années à s’adapter à ces sols extrêmement riches en métaux (nickel, chrome, fer, manganèse, etc.). 90% des plantes sont endémiques(3) de l’Île. La forêt à mousse nous plonge dans une ambiance étrange, brumeuse (il fait très humide !). « A mousse » car ici les troncs des arbres et des fougères arborescentes en sont couverts. Peu de bruit, les sons semblent étouffés. Parfois résonne le cri grave du Notou(4), le plus gros pigeon du monde.

La mangrove, une forêt interface

La mangrove est une forêt-frontière, ou plutôt une forêt-interface, le lien vivant entre la terre et l’océan. Comme un estran, les arbres – palétuviers, mangliers – vivent aux rythme des marées, allongeant leurs échasses courbes et enchevêtrées sur la vase grise. Ce dédale de racines et de pneumatophores(5) est un sanctuaire, une véritable nurserie pour des centaines d’espèces de poissons, crabes, oiseaux, qui y trouvent gîte et couvert. Ces mangroves, que l’on trouve dans plusieurs endroits du monde, sont de véritables barrières protectrices contre la furie occasionnelle des océans. Elles cassent la houle, stabilisent le trait de côte en empêchant son érosion, et sont donc des écosystèmes clés dans notre adaptation au bouleversement climatique.

Des espaces fragilisés par l’Homme

La déforestation liée à l’agriculture intensive, à l’exploitation de bois ou de ressources minérales met en grand danger ces forêts tropicales. Or les services qu’elles nous rendent sont considérables, leur disparition aurait des conséquences dramatiques pour notre planète. Or des modèles agricoles intégrant et respectant ces forêts, adaptés à notre monde moderne, existent et commencent à être adoptés ou retrouvés un peu partout dans le monde : ce sont les agro-forêts, les plantations agroforestières, les fermes de permaculture, l’agriculture de conservation, etc. Soutenir ces agricultures durables et privilégier les produits qui en découlent, c’est contribuer au ralentissement de la course folle à la déforestation.

(1) Plante épiphyte (littéralement « Sur la plante ») : plante qui pousse directement sur le tronc et les branches d’un arbre, hors-sol
(2) Coq de roche des Andes : Rupicola peruvianus
(3) Endémique : qu’on ne trouve qu’à cet endroit, nul part ailleurs dans le monde
(4) Notou : Gutula goliath
(5) Pneumatophore : racine sortant de la vase permettant aux arbres de la mangrove de désaliniser l’eau de mer et de « respirer »

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